Demain, la mer

Au petit matin, alors que le jour peine à recouvrir la nuit, les bateaux de pêche quittent le sable du quartier de Baguida pour rejoindre le large. À leur retour, les habitants se massent pour hisser les lourdes embarcations de bois sur la plage et espérer mettre la main sur quelques poissons. Dans les filets, la pêche est maigre et sur le sable, les déchets s’entassent.
Chaque année, près de 11 millions de tonnes de déchets plastiques sont déversées dans les océans et si rien ne change, cette pollution pourrait tripler d’ici 2040. Au Togo, l’absence de système de gestion des déchets à l’échelle nationale amène la majorité des produits plastiques à finir leur course dans les eaux côtières du pays. Les plages s’en remplissent, l’océan en déborde et entraine l’asphyxie progressive du milieu marin.
Agbeyibor Afi a 55 ans et vit à Baguida depuis près de 20 ans. Femme de pêcheur, elle a vu les populations de poissons s’effondrer. Elle raconte que lors de ses premières années, son mari ramenait près de 100 kilos de poisson deux fois par semaine et peine aujourd’hui à revenir avec plus de 2 kilos. Une situation catastrophique qui prive de nombreuses familles d’un revenu suffisant et laisse à la jeune génération, un avenir plus qu’incertain.
Depuis quelques années, l’océan lui-même est aussi devenu l’ennemi des hommes. Rongeant inexorablement le littoral, il pousse de nombreuses personnes à abandonner leur maison et inquiète toujours plus d’habitants. En seulement 5 ans, la côte a déjà reculé de plus de 60m à certains endroits et le dérèglement climatique ne semble pas offrir de perspectives d’amélioration. Déjà bien visible, cette menace laisse dans son sillage des ruines et des vestiges d’anciens quartiers aujourd’hui disparus.
Le long de la plage du quartier de Baguida, les jeunes se promènent à pied ou à vélo slalomant entre les détritus qui jonchent le sable. Perchés sur le trait d’érosion de la côte, ils regardent l’océan.

État d’un littoral à la dérive.

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